Les femmes sont entrées sur le marché de l’emploi en tant que groupe plus tardivement que les hommes et ont eu accès à l’éducation bien après eux, elles ont donc longtemps occupé des postes considérés comme subalternes, la profession de secrétaire en est un bel exemple. En plus de subir le sexisme, elles subissaient aussi le mépris lié à l’emploi qu’elles occupent. On peut se demander si la formulation au passé est la plus adaptée…
Avec le secrétariat externalisé et la volonté de certaines femmes d’accéder à l’indépendance, d’en finir avec des conditions de travail parfois iniques et dégradantes ; les choses prennent un tournant tout différent. Sous prétexte de devenir indépendante, certaines télésecrétaires souvent sous le statut de l’entreprise individuelle, deviennent des travailleuses précaires. Trouver des client(e)s n’est pas chose aisée, j’ai moi-même à faire avec cette difficulté. Cela nécessite des compétences, et plus que des compétences, pour trouver des client(e)s, il faut établir un réseau et travailler la confiance. Deux choses qui ne sont pas à la portée de n’importe qui et qui demandent du temps.
Il y a le cas de figure des établies en localité. Autrement dit, des personnes qui ont grandi là où elles créent leur entreprise, connaissent du monde avec lequel elles sont allées à l’école ou encore ont des parents qui ont fait leur vie dans l’endroit où elles sont et peuvent être ces fameux intermédiaires qui établissent la confiance.
Ensuite, viennent celles qui comme moi, ont beaucoup déménagé ou sont de nature plus introvertie, celles qui ne manient pas le réseautage comme un outil mais comme un lien émotionnel, et de ce fait, cela implique de sélectionner les personnes que l’on côtoie pour ne pas laisser entrer dans son entourage des énergies que l’on ne désire pas. Autant dire que cela ne facilite pas l’établissement des relations de « business ».
Pour ces femmes, qui veulent rejoindre le camp des indépendantes mais qui n’ont pas les moyens d’investir dans une structure d’entreprise autre que la micro-entreprise, une problématique vient vite poindre, celle de vivre de son activité alors que l’on ne peut se permettre le temps que nécessite la construction d’un véritable lien de confiance avec des prospects, ou que les résultats de la prospection se montrent décevants au point de vouloir tout abandonner.
C’est alors qu’apparaissent les plateformes téléphoniques, autrement dit les centres d’appels ou quel que soit le nom que ces entreprises se donnent. Ces plateformes ressemblent à des solutions, en effet, elles apportent les client(e)s et donc créent le « business » ; mais au lieu de ne recruter que des salarié(e)s en interne, ce qui leur reviendrait trop chère et les éloignerait de la logique de rentabilité, ces entreprises engagent des indépendantes dans le mal de client(e)s, qui croient pouvoir s’en sortir avec ce modèle économique : faire un chiffre d’affaires sur les miettes d’un concurrent plus gros. Si tout le monde y trouvait son compte et pouvait vivre de son activité et par son activité en toute dignité, cela ne poserait aucun problème ; mais ce n’est pas le cas.

Les conditions de travail auxquelles peuvent être confrontées les télésecrétaires indépendantes au service des plateformes téléphoniques sont pires que celles d’une salariée, avec en prime, une sécurité de l’emploi inexistence.
La fameuse ubérisation du monde du travail n’aura épargné aucun secteur.
Ces plateformes sont de réelles usines, elles pratiquent le travail à la chaîne, le chronométrage des appels, leur écoute parfois, ainsi qu’une pression constante sur l’indépendante. Il peut arriver que des groupes de discussions soient formés avec toutes les indépendantes dans la boucle ainsi que le manager qui pratique l’humiliation en public mais cette fois-ci virtuel, puisqu’il s’agit de personnes qui ne se sont jamais vues et n’ont qu’un lien entre elles, celui de faire vivre leurs activités communes.
Le seul élément de nature à faire supporter cette situation est l’espoir de jours meilleurs, qu’un(e) client(e) arrive miraculeusement (puisque le temps de prospection n’est plus possible). À travailler 10 heures par jour, certaines se retrouvent à redevenir salariée de fait, pour une entreprise qui ne les rémunèrent que quelques centimes l’appel. Toute insatisfaction devient rumination et non contestation puisque la force n’est pas du côté des indépendantes mais bien de ces entreprises qui fournissent les client(e)s donc le travail et in fine, l’argent.
Cette somme d’argent qui rentre dans les caisses des indépendantes est dérisoire mais l’illusion fonctionne, les client(e)s qui délèguent leur standard sont dans l’ignorance, les client(e)s des client(e)s ont des doutes puisqu’ils ne tombent jamais sur la même personne. L’indépendante, elle n’a aucun lien avec les donneurs d’ordre et on peut se demander si ces derniers ont connaissance de cette méthode pratiquée par les centres d’appels. Il s’agit donc d’une externalisation à l’aveugle, le service client en devient déplorable car à base de « Je ne peux pas répondre à cette question », « Je vais transmettre votre message » au donneur d’ordre qui rappellera, éventuellement, ou pas.
Trouver des client(e)s n’est pas chose aisée et malgré tous les conseils des marketeurs avertis sur les réseaux sociaux, trouver des personnes pour acheter votre produit n’est pas juste une science rationnelle que l’on applique, qui finit par fonctionner, et qui si elle ne fonctionne pas traduit une mauvaise application de la consigne. Il s’agit d’un rapport de personne humaine à une autre personne humaine ; avec son éducation, ses biais, ses préjugés.
🧚🏾♀️Féériquement vôtre 🧙🏾♀️
0 commentaires