L’ordinateur est devenu un outil tellement incontournable au bureau, que personne ne viendrait à penser qu’il ne sait pas l’utiliser correctement. Et pourtant ! Combien de fois ai-je vu des médecins taper leur courrier à deux doigts, des personnels d’administration faire exactement la même chose.
Je les ai regardés horrifiée, en pensant surtout que ce mode de frappe n’était pas vraiment optimal et pour cause, la frappe sur le clavier est une science : la dactylographie, ça s’apprend et on va revenir dessus pour que vous éliminiez la frappe à deux doigts, qui n’est d’ailleurs pas sans danger.
Qu’est-ce que la dactylographie ?
Le terme de dactylographie nous vient de deux mots grecs : doigt et écriture. C’est la pratique par laquelle un texte est saisi sur un clavier et comme tout acquis, elle nécessite une technique qui favorise la performance. Afin d’être plus rapide, efficace, fluide et précis, il est conseillé d’utiliser ses dix doigts et de se fier à la mémoire musculaire puisque les yeux ne doivent pas quitter le texte à saisir. Taper sur son clavier, c’est tout un art, à tel point qu’à l’époque où la dactylographie à elle toute seule constituait un métier, des concours étaient organisés. Microsoft quant à lui, considère que taper 50 mots à la minute, est le « minimum » que l’on attende de vous lorsque vous faites usage de votre clavier d’ordinateur, au quotidien, dans votre travail.
Il existe plusieurs styles de dactylographie n’ayant pas toutes les mêmes effets sur la conduite de la frappe. La plus disciplinée consiste à positionner les huit doigts d’une même main sur la rangée du milieu dite la rangée d’accueil et à partir d’elle, d’aller chercher les autres lettres en faisant usage de la mémoire musculaire, donc sans utiliser la vue pour atteindre ces lettres. La dactylographie hybride consiste, elle, en la non-utilisation de la rangée d’accueil et ainsi que le maintien de la vue sur l’écran et non sur les touches du clavier. Il est aussi possible de faire usage des deux mains pour user de cette technique, ou encore d’une seule main.
D’ailleurs, votre clavier vous réserve un petit secret que je vais vous révéler dès à présent. Sur la rangée que l’on dit d’accueil, se trouve deux barres horizontales en relief sur les lettres F et J, qui permettent le repositionnement correct des mains sans avoir à regarder, en ne se servant que du toucher.

Revenons sur l’historique de la dactylographie ainsi que son utilité.
L’essor de la dactylographie !

Dans les années 1870, Latham Sholes conçoit à l’aide de précédents prototypes une machine à écrire plus efficace pour laquelle il dépose un brevet, inventeur du clavier Qwerty, il vend ses droits à l’entreprise Remington. Les machines de l’époque ne permettaient pas la vue des textes frappés puisque l’impression se faisait à l’arrière du rouleau, c’est ainsi que naît l’idée d’une méthode permettant de taper de manière fluide rapide et efficace afin de minimiser les fautes. Le métier de secrétaire étant encore largement masculin, la technique et la mécanisation de l’écriture ouvrent aux femmes la porte des bureaux, premièrement aux Etats-Unis. L’écriture calligraphique est de moins en moins indispensable, avec la révolution industrielle ne cesse de s’accroître la paperasse administrative, il faut donc aller vite. La machine à écrire permet ceci, avec son papier carbone, elle facilite la duplication et la standardisation des travaux d’écriture. Le gain de temps qu’engendre cette technique est considérable et autour de cet outil émerge une profession : celle de dactylographe.
D’abord destinée à la production d’écriture domestique, la machine à écrire s’épanouit dans la sphère administrative grâce à son adoption par les sténographes. Ces professionnels de l’écriture abrégée offrent leur service en tant qu’indépendant aux sociétés industrielles et commerciales. L’abréviation porte déjà en elle l’idée de rapidité, l’outil à écrire ajoute alors plus de facilité dans la transcription. Ces professionnels de l’écriture, comme les secrétaires au départ font partie de l’ « élite », ce sont des étudiants, des écrivains, des avocats ou encore des journalistes et ils offrent leurs services aux tribunaux mais aussi au Parlement. Objet pour amateur, valorisée par des concours, la machine à écrire commence à faire parler d’elle, la première Remington en France date de 1883.
En 1888, c’est un homme, Franck Edward MacGurrin qui remporte un concours de dactylographie à Cincinnati. Son exploit est exposé en une de plusieurs journaux, ce qui participe de la popularisation de cette méthode d’écriture par le toucher. Les deux années qui suivent consacrent la reprise journalistique et littéraire de cette méthode : l’écriture par le toucher et participe à l’ancrer dans la pratique et ceci sans compter sur la production toujours croissante des machines à écrire. Emerge dans le même temps des logiciels ou encore des cours permettant de maîtriser cette méthode et d’en finir avec la recherche hésitante de certaines touches ou encore avec le « picorage » : la frappe à deux doigts, qui demeure une pratique répandue mais absolue affreuse si vous voulez mon avis.
Après la première guerre mondiale, les publicitaires de la machine à écrire la vendent comme un outil de femmes. Les femmes de classe moyenne souhaitant aider le foyer ou prendre leur émancipation sont la cible parfaite pour ces emplois de frappe qui nécessite dextérité. En effet, la pratique du piano par les femmes alimente l’idée selon laquelle elles seraient plus aptes à utiliser la machine à écrire. D’ailleurs, les premiers modèles de l’outil sont semblables à la machine à coudre. De plus, l’investissement conséquent fait par les entreprises pour acquérir ces machines peut être contrebalancé par le faible coût de la main d’œuvre des femmes.
À cette période, des théoriciens prônent une certaine organisation des bureaux ainsi que leur rationalisation. Le taylorisme n’est plus seulement dans les usines, il s’immisce aussi dans les bureaux, afin d’accroître la productivité des employés et de celles qui tapent : les dactylographes.
La standardisation croissante du métier annonce sa détérioration, peu de compétences personnelles sont nécessaires pour accomplir ces tâches qui en même temps qu’elle se féminise sont qualifiées de faible valeur ajoutée.
Les dactylographes font alors face à la précarité, elles sont payées à la tâche, voir à la ligne, les fautes de frappe leur valent des amendes. Le but étant d’augmenter le rendement et de réduire les coûts de la production des écritures.
L’idée d’une productivité sans cesse croissante est, de plus, alimentée par l’organisation des concours, au cours desquels des femmes, maintenant, s’affrontent et battent des records de production d’écriture. Ces concours existent encore aujourd’hui mais sont très peu connus.
Avec l’organisation des bureaux et l’idée de rendement vient tout un mobilier consacrant le confort de la dactylographe.
La dactylographie, une utilité insoupçonnée ?
À sa naissance la dactylographie est avant tout considérée comme un art dont la pratique peut être améliorée et doit être optimisée. Après avoir fait ses preuves outre-Atlantique, la pratique trouve des adeptes en France au début du XXème siècle. L’un d’eux est Albert Navarre fervent défenseur de la méthode des 10 doigts. Pour lui, la performance dans cette discipline repose sur le fait de faire travailler en même temps les yeux et les doigts en plus de maintenir une posture du corps, des mains et des pieds qui soit adéquate.
La vitesse est le premier bienfait de la pratique dactylographie à 10 doigts. La rédaction de courrier, la saisie de données comptables comme j’ai pu en faire m’ont initié à cette rapidité. Il semblerait que si vous souhaitez écrire à la vitesse de vos pensées, il vous faut taper 60 à 80 mots par minute. Seule la pratique régulière permet la maîtrise d’une telle vitesse mais les avantages de la dactylographie ne s’arrêtent pas là. Etant un outil de bureau, la machine à écrire puis le clavier s’utilisent assis, si vous ne faites que cela de la journée, il faut bien trouver un moyen de ménager votre corps, car bien qu’assis devant un bureau, les membres travaillent et c’est le cas du dos et plus particulièrement des cervicales ainsi que le cou. Il n’est nécessaire de baisser la tête et les yeux qu’à quelques reprises, cela évite donc les mouvements inutiles et la fatigue précoce. En plus de préserver le corps, maîtriser la dactylographie avec huit doigts ou plus permet de préserver la concentration, les yeux étant fixés sur ce qu’il y a à taper, la mémoire musculaire faisant le reste, il n’est pas nécessaire de vérifier le positionnement des doigts à chaque frappe.
Aujourd’hui, les ordinateurs sont dans tous les bureaux et même dans toutes les maisons, nous pratiquons la dactylographie conforme à nos habitudes, sans penser à la productivité.
🧚🏾♀️Féériquement vôtre 🧙🏾♀️
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